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Le Fondateur d’Actistress interviewé par le Figaro

DÉCRYPTAGE – De plus en plus souvent, des salariés chez qui «tout va bien» basculent du jour au lendemain. Très souvent, ce sont ceux qui sont les plus intelligents et les plus impliqués. Explications.

Epuisement professionnel

En 2003, l’écrivain Philippe Labro signait son excellent roman Tomber sept fois, se relever huit. Le récit autobiographique poignant d’une «grosse dépression» de l’auteur, à une époque où tout lui sourit professionnellement. D’un seul coup, sans crier gare, tout a basculé. Si le terme n’était pas encore démocratisé il y a vingt ans, c’est bien du burn-out dont il est question. Et plus précisément, de ce cas de dépression «éclair», imprévisible, d’un salarié qui a une situation geyimedicals.es confortable, enviable, et chez qui tout va bien en apparence n’est pas un cas isolé. Au contraire : ils sont de plus en plus nombreux. Chez les cadres, ils affluent. Surtout chez les plus brillants et les plus prometteurs… «Je me suis couché comme chaque soir, en réglant le réveil de mon iPhone sur 6h15, raconte au Figaro François*, cadre dirigeant dans un grand groupe hôtelier. Quand le réveil a sonné, j’étais terrassé, incapable de bouger, avec un mal de dos atroce et la tête sonnée, comme si un camion m’était passé dessus. Je n’ai jamais compris ce qu’il s’était passé. Mais j’ai mis six mois à me remettre sur pied.»

Cette fâcheuse «surprise» en moins de 24 heures chrono, François n’est pas le seul à l’avoir expérimentée. Lionel Pages est ostéopathe, désormais à la tête du cabinet Actistress, et fondateur de la recorporation active, une méthode de lutte contre le mauvais stress professionnel. Des cas comme celui de François, il en a croisé un grand nombre. Car c’est bien le stress qui est le principal facteur de ces dépressions éclair extrêmement puissantes. Un mauvais stress fantôme, imperceptible, qui s’est pourtant immiscé au plus profond du corps. Et qui d’un coup, libère sa puissance, prenant ainsi le contrôle de la totalité d’un individu. «On est tous choqués dans le service RH. Personne ne l’aurait même imaginé…» Lionel Pages a entendu cette phrase cent fois dans la bouche des DRH, totalement désarçonnés par la chute inattendue d’un collaborateur. «Tomber sept fois, se relever huit», écrit donc Philippe Labro. Soyons optimistes. Il est possible de s’en sortir.

J’ai subi en une seule fois, en une seule nuit, quinze années de stress intense accumulé sans sourciller

François, cadre dirigeant

«Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui imposent son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face, précise Lionel Pages, qui a l’habitude de donner des conférences sur le sujet. L’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses.» Cette définition figure dans l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail, signé en 2008. Ce stress intense, à long terme, c’est exactement ce qu’a vécu François. Et ce pourquoi il a craqué, un matin d’automne 2019. «J’ai subi en une seule fois, en une seule nuit, quinze années de stress intense que j’avais accumulé sans sourciller», précise-t-il. Un témoignage qui fait réfléchir à sa propre situation, et à sa jauge de stress. Qu’il soit apparent, ou dissimulé…

Lionel Pages a créé une formation pour les RH unique en France, afin de traiter ce problème de taille, qui nécessite de comprendre exactement comment le stress touche le cerveau. «Les valeurs les plus couramment contractées par les profils talentueux sont : Sois fort et Sois parfait ! Ces valeurs leur permettent d’exceller dans les concours des grandes écoles ou à la faculté quand les places se font rares et qu’il faut être parmi les meilleurs, explique Lionel Pages. Ce sont des valeurs qui sont nourries dès le plus jeune âge et qui sont le socle de la filière d’excellence française.» Car c’est bien de culture dont nous parlons. Ainsi, pour les Américains, la valeur «sois parfait» n’est pas importante, ce qui les rend beaucoup plus pragmatiques et ouverts à l’erreur. Le «sois fort» leur suffit. En revanche, pour les talents français nourris à l’école d’excellence de la République, la poursuite des deux valeurs se révèle détonante et dévastatrice.

Pourquoi ? Parce que d’un côté, il s’agit de nourrir l’idéal du manager ou du top collaborateur qui doit réussir coûte que coûte sans montrer le moindre signe de faiblesse. La personne bascule en mode combat, la tête rivée sur l’objectif, au point de se couper d’un corps stressé qui ne sera plus écouté jusqu’à l’explosion finale. De l’autre côté, il s’agit d’entretenir une relation compliquée à la honte, à la limite, à l’échec. Plus je veux être parfait, plus j’ai honte de mes échecs, de l’idée même de me tromper, et plus je vais chercher à limiter au maximum mes erreurs. «Résultat : je peux bosser toujours plus pour ne jamais décevoir, je vais me rendre malade si je me trompe ou si on me dit que je me suis trompé, je me sens touché personnellement quand mon travail n’est pas reconnu à sa juste valeur», analyse Lionel Pages. Ou la recette du cocktail «dépression éclair» résumée en un seul paragraphe. Qui est bien évidemment à méditer. Et à partager.

*Pour des raisons de confidentialité, le prénom a été changé

En savoir plus sur la méthode Actistress

Source: https://www.lefigaro.fr/decideurs/management/j-ai-explose-en-24h-pourquoi-les-salaries-qui-craquent-du-jour-au-lendemain-sont-aussi-les-plus-doues-20231001